Message de Son Excellence Monsieur le Président de la République adressé à l’Assemblée nationale et prononcé, le mercredi 16 janvier 2013, par le Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l'Extérieur, S.E.M. Mankeur NDIAYE.
DECLARATION SUR LA CRISE AU MALI
Monsieur le Président de l'Assemblée
Nationale,
Honorables Députés,
J'ai l'honneur de vous communiquer le message suivant que SEM le Président de
la République adresse à l'Assemblée Nationale, suite à sa décision d'envoyer un
contingent militaire au Mali.
Je cite :
« Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Honorables Députés,
Comme vous le savez, la situation en République sœur du Mali, déjà très
préoccupante avec l'occupation depuis plusieurs mois des deux tiers du pays par
des groupes terroristes armés, s'est considérablement dégradée ces derniers
jours avec l'attaque contre la ville de Konna.
Ce qui se passe au Mali relève d'une agression caractérisée. Des bandes terroristes, nourries et entretenues
par des trafics illicites de tout genre, ont décidé, au mépris de toutes les
règles du droit international et des us et coutumes, de s'emparer d'un Etat
indépendant et souverain, d'occuper son territoire, d'infliger des traitements
inhumains et dégradants à sa population, de détruire des Mausolées de Saints
hommes, et d'autres valeurs de culture et de civilisation multiséculaires, dont
certaines sont classées par l'UNESCO comme Patrimoine commun de l'Humanité, et
d'imposer une seule façon de vivre et de penser dans un pays pourtant de
diversité culturelle et religieuse.
Au-delà du Mali, l'objectif affiché par ces bandes terroristes est très clair :
se servir du territoire malien comme sanctuaire pour recruter et former des
jeunes de divers pays et étendre leur idéologie totalitaire et leurs activités
criminelles dans tous les pays de la sous région ouest africaine, y compris en
s'attaquant à des intérêts étrangers chez nous. Depuis l'éclatement de la
double crise institutionnelle et sécuritaire au Mali, le Sénégal, aux côtés des
pays frères de la Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO), s'est constamment investi pour contribuer à la recherche d'une
solution à cette crise qui met en péril la paix et la stabilité dans toute la
sous-région ouest-africaine et au-delà .
C'est ainsi qu'en plus de consultations bilatérales régulières, notre pays a
pris part à :
Cinq Sommets extraordinaires de la
CEDEAO :
- Le 27 mars 2012
- Le 02 avril 2012 ;
- Le 03 mai 2012
- Le 29 juin 2012 ;
- Le 11 novembre 2012.
Et ce 19 janvier je participerai personnellement à un autre Sommet
extraordinaire de la CEDEAO convoqué à Abidjan.
Notre pays a également pris part à différentes Sessions extraordinaires du
Conseil de Médiation et de Sécurité de la CEDEAO tenus :
- le 12 avril 2012 ;
- le 19 mai 2012 ;
- et le 09 novembre 2012.
Ces différents efforts concertés au plan sous régional ont permis d'alerter et
de sensibiliser l'opinion africaine et internationale et d'attirer l'attention
sur la menace que la situation au Mali constitue pour la paix et la sécurité
régionales et internationales.
C'est ainsi que l'Union Africaine a pris la pleine mesure de la crise malienne
pour, de concert avec la CEDEAO, porter la question devant le Conseil de
Sécurité des Nations Unies, avec le soutien des pays et Institutions
partenaires.
Nos efforts ont abouti, le 26 Septembre dernier, Ã la convocation par le
Secrétaire Général des Nations Unies d'une réunion de haut niveau sur le Sahel
et le Mali à la laquelle j'ai personnellement pris part en marge de l'Assemblée
Générale des Nations Unies à New York.
C'est grâce aux actions diplomatiques intenses et coordonnées de la CEDEAO et
de l'Union Africaine que le Conseil de Sécurité, après huit Déclarations et
trois Résolutions sur la crise malienne a finalement reconnu que la situation
au Mali relève du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui définit les
mesures à prendre par l'Organisation « en cas de menace contre la paix, de
rupture de la paix et d'acte d'agression».
En conséquence de quoi, et à la demande expresse des
autorités de transition du Mali, le Conseil a autorisé, par sa résolution 2085
du 20 décembre 2012, le déploiement de la Mission Internationale d'Assistance
au Mali (MISMA), pour une durée initiale d'un an, afin d'aider le pays Ã
combattre les groupes terroristes, recouvrer l'intégrité de son territoire et
restaurer les responsabilités régaliennes de l'Etat.
J'ajoute que tous les efforts, certes louables, jusque là menés pour un
règlement pacifique de la crise ont été vains.
Voilà , Monsieur le Président, honorables Députés, le rappel des faits qui ont
abouti à la décision d'envoyer un contingent sénégalais au Mali.
En déployant nos soldats dans ce pays ami et frère, sous les auspices des
Nations Unies, nous restons fidèles à une longue tradition qui a mené nos
vaillants soldats dans plus d'une vingtaine de pays, en Afrique et ailleurs
dans le monde ; entre autres la Syrie, le Liban, l'Ex-Yougoslavie, Haïti, la
République Démocratique du Congo, l'Ouganda, le Libéria, la Côte d'Ivoire, la
Guinée Bissau, le Soudan, le Mozambique, le Timor Oriental.
Je rappelle que la première mission à laquelle notre pays a pris part remonte
déjà à l'année de notre indépendance, sous la Fédération du Mali, avec l'Opération
des Nations Unies au Congo (Léopoldville).
Ce que nous avons fait au nom de la paix et de la sécurité internationales dans
des contrées lointaines et sur des théâtres d'opérations tout aussi dangereux,
nous ne pouvons pas le refuser alors que le feu couve à nos frontières et que
des pays étrangers et africains hors de notre sous-région sont déjà sur le
terrain ou s'apprêtent à s'y rendre.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Au Mali, le Sénégal ne va pas en guerre contre un Etat.
Notre pays contribuera à combattre le terrorisme et à arrêter l'avancée d'une
mouvance tyrannique, dont le sombre dessein et les pratiques d'un autre âge
sont à l'opposé de nos valeurs politiques et socio culturelles de liberté, de
démocratie de paix, d'ouverture, de tolérance et de respect de la diversité.
Si les forces terroristes prévalent au Mali, nos propres intérêts vitaux seront
menacés. Et toutes ces valeurs auxquelles nous sommes individuellement et
collectivement attachés seront en péril.
Le Mali, auquel nous sommes liés par l'histoire, la géographie, le sang et un
destin commun, est, plus qu'un pays voisin : le Mali est un « pays parent ».
Toute menace qui touche le Mali nous concerne directement.
Au-delà de la légalité internationale qui fonde notre action, nous sommes tenus
par une obligation de solidarité à l'égard d'un membre de la famille ouest
africaine.
Aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale en mettant hors d'état de
nuire des groupes terroristes, c'est prévenir un danger qui guette à nos
frontières ; c'est défendre notre propre paix et notre sécurité, c'est protéger
le Sénégal et sa population.
Devant la gravité des circonstances, je me réjouis du soutien international
unanimement apporté à la MISMA.
Nos forces Armées sont connues et appréciées à travers le monde pour leurs
qualités professionnelles, leur dévouement au service de la Nation et des
missions de paix et leur loyauté aux symboles républicains.
C'est aussi cette réputation qui honore notre pays et notre peuple que nos
Forces Armées défendront sur le terrain au Mali.
Je rends un hommage appuyé à nos soldats. Je salue leur courage et leur
détermination. Je leur renouvelle mon soutien. J'ai pleinement confiance qu'ils
seront à la hauteur de leur mission.
Dans le même esprit, j'appelle toutes les composantes de la Nation sénégalaise,
au-delà de toute considération, à s'unir autour d'un élan consensuel pour
soutenir la mission de notre contingent qui sera engagé au Mali.
Je vous remercie de votre aimable attention ».
Fin de citation.